octobre 23, 2024

L’Éthique & la Responsabilité des Experts

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Piliers fondamentaux du métier d’expert, l’éthique et la responsabilité nous invitent à prendre en compte les effets concrets de nos actions, à nous les experts, sur les environnements et les ressources humaines auprès desquels nous agissons.

L’expert est sollicité pour son expertise, ses connaissances et ses compétences spécifiques dans un domaine donné. Son rôle est de fournir des analyses, orientations, recommandations ou propositions d’actions en fonction des intérêts individuels et/ou collectifs. Cette position lui confère une responsabilité, car ses décisions peuvent avoir des conséquences importantes sur ses clients, ce qui nous amène à l’approche de l’éthique et de la responsabilité dans l’exercice du métier d’expert.

L’éthique de responsabilité, selon le sociologue allemand Marx Weber, invite l’expert à être conscient des effets tant positifs que négatifs de son accompagnement et à agir de manière responsable. L’éthique de responsabilité est rationnelle par rapport à une « fin », un objectif poursuivi et des résultats attendus. Elle repose sur l’attention portée à deux aspects : l’efficacité des moyens utilisés et les conséquences de ces moyens sur les parties prenantes. Le souci d’efficacité encourage un pragmatisme souvent nécessaire, mais qui peut entraîner des compromis ou des dérives opportunistes, où la « fin justifie les moyens ». L’attention portée aux conséquences implique de prendre en considération les effets des actions entreprises pour des clients avec le risque possible que les conséquences soient contre-productives par rapport à la finalité visée.

Or, tenir compte des conséquences nécessite de savoir anticiper les effets des actions entreprises et des moyens utilisés. C’est cette capacité de prédiction par les experts dans leurs différentes missions, qui pose aujourd’hui un problème en termes d’éthique, car elle n’est pas toujours en adéquation avec la rentabilité des missions… En d’autres termes, est-il profitable et rentable d’être éthique et responsable pour un expert ?

Une question dérangeante, mais non moins ancrée dans la réalité économique des consultants, formateurs, coachs… en gardant à l’esprit que chaque expert arguera que l’éthique des affaires ou l’éthique envers une personne dans le cas du développement professionnel et personnel est fondamentale pour lui !

Pour mettre en place une telle culture, certains principes fondamentaux doivent guider la pratique des experts :

Intégrité : l’honnêteté des résultats d’une analyse contextuelle est primordiale. Les conclusions de l’expert ne concordent pas systématiquement aux présupposés ou aux attentes des clients. De ce fait, elles doivent être présentées de manière objective et soutenues par une argumentation claire. La véracité des informations utilisées est essentielle dans la réflexion d’une stratégie ou d’un plan d’action, quitte à devoir les présenter avec diplomatie. L’expert ne doit pas, que cela soit pour son propre compte ou par automatisme, influencer les résultats de sa mission. Sa valeur ajoutée réside dans sa capacité à penser des solutions adaptées et à convaincre de leur efficacité dans un plan d’ensemble tendant à l’obtention des résultats escomptés.

Impartialité : éviter tout conflit d’intérêt et maintenir une distance professionnelle et… émotionnelle avec les parties. C’est là où le bât blesse souvent dans le milieu de l’expertise. Certains experts paraissent en effet davantage animés par le « syndrome du sauveur » que par leur professionnalisme.

Ce complexe dans lequel l’expert se croit investi d’une obligation « d’aider » et de « sauver à tout prix » les autres est préjudiciable, sans parler des attentes indéfrisables de reconnaissance et d’injonctions comme quoi l’expert « à sauver » son client. L’expert doit connaître son « utilité » vis à vis des attentes des clients et ne pas chercher à aider « à tout prix » et « à n’importe quel moyen » en étant motivé par une logique financière et égocentrée car cela est contreproductif.

Compétences : s’assurer d’être qualifié pour entreprendre les missions confiées et savoir fixer un cadre à son ou ses expertises (en admettant que celles-ci soient complémentaires). Des expertises « à tout va » sans approches cohérentes produiront des effets négatifs. Dans un but de profitabilité, il est tentant de prétendre être qualifié dans plusieurs domaines de compétences. 

Or, les experts jouent un rôle significatif dans la prise en compte et la gestion des problématiques sur lesquelles ils sont appelés à se prononcer. Ainsi, un excès de confiance est pernicieux, car il entache la fiabilité des expertises en impactant l’intérêt, pour une personne ou une entreprise, d’y avoir recours.

Confidentialité : respecter la discrétion professionnelle et ne pas divulguer d’informations sensibles sans autorisation, le b.a.-ba de toute mission menée par un expert, qu’elle soit dans le périmètre stratégique, organisationnel ou humain.

En résumé, l’éthique de l’expert repose sur l’objectivité de ses conclusions, la fiabilité de ses recommandations, le respect des intérêts et la responsabilité de ses actes. Mais comment intégrer alors les notions de profitabilité pour l’expert tout en respectant ces principes ? C’est précisément une juste rémunération qui permet de valoriser le savoir-faire d’un expert en tenant compte de son expérience et de son intelligence créative, situationnelle et collaborative pour accompagner efficacement son client. 

Le travail des experts n’est malheureusement pas toujours reconnu à sa juste valeur par les clients.  De surcroit, les tarifications de prestations de conseil ou de formation ont peu, voire pas du tout évolué ces dernières décennies en dépit de l’inflation économique. Si nous parlons de l’éthique de responsabilité des experts, nous pouvons aussi évoquer l’éthique de responsabilité des clients concernant leur capacité à produire un cahier des charges clair et précis et à s’assurer de la bonne adéquation mission/compétences des experts qu’ils mandatent.

Jongler avec ces enjeux et parvenir à avoir un résultat final satisfaisant est un exercice complexe. Et sans vouloir justifier certaines dérives, les experts marchent souvent sur un fil très fin pour réaliser leurs missions et atteindre leurs objectifs tout en assurant leur pérennité financière.

Ce problème complexe mérite d’être aujourd’hui étudié avec beaucoup de sérieux afin de préserver ce métier parfois mal compris. Une culture d’expertise est nécessaire afin de réguler certaines pratiques et faire prendre conscience aussi bien aux experts qu’à leurs clients de l’éthique de responsabilité nécessaire. 

C’est un beau métier dont l’utilité incite à la constitution d’un groupe de travail, voire d’un observatoire, pour échanger et débattre sur son éthique, ses principes, la professionnalisation des accompagnements, l’évolution de son savoir-faire, son rôle dans les environnements et son apport auprès des professionnels et des particuliers.

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